L’Université de Toulon, pôle de référence et d’innovation sur le droit des animaux



Caroline Regad et Cédric Riot, enseignants-chercheurs à l’Université de Toulon défendent une doctrine qui considère, en droit, les animaux comme des personnes physiques non-humaines. Ils organisent ces 28 et 29 mars, le deuxième colloque de leur trilogie sur la personnalité juridique de l’animal.

Rencontre :

En quoi la Déclaration de Cambridge a changé notre perception de l’animal ?

Le 7 juillet 2012, des scientifiques de tout horizon, dont le plus connu est Stephen Hawking, se sont rassemblés à Cambridge et ont affirmé que les animaux non-humains possèdent les substrats neurologiques de la conscience. C’est un moment historique. D’autant plus que, dans d’autres pays, le juge n’hésite plus, s’il le faut, à s’appuyer sur cette déclaration pour donner plus de droits, pour protéger davantage le règne animal. Dans cette mesure-là, le droit ne peut plus ignorer les avancées scientifiques sur la question et rester enfermé entre des murs qui ne conviennent plus à la réalité. Dès que l’on sait que les animaux sont des êtres conscients, on ne peut que changer le regard juridique sur la question.

Le statut juridique de l’animal a été modifié dans le Code civil, en 2015. Cette nouvelle prise en compte n’est donc pas satisfaisante ?

Beaucoup estiment que la loi de 2015 n’a rien changé. Si ! La loi de 2015 a changé beaucoup de choses. Grâce à elle, l’animal n’entre plus dans la catégorie des « biens meubles », il est désormais défini comme un être vivant doué de sensibilité. Donc il y a eu une évolution par rapport à ce qui existait. Est-ce suffisant ? Non !
Le législateur n’a pas offert la personnalité juridique à l’animal qui lui donne notamment la possibilité d’avoir des droits. Ils sont toujours soumis au régime des biens. Est-ce qu’une télécommande peut avoir des droits ?
La loi de 2015 n’est pas aboutie. On ne peut pas laisser une catégorie qui soit un être vivant doué de sensibilité sans lui donner un régime dédié, sans surtout lui reconnaître la qualité de personne pour pouvoir lui offrir des droits. Actuellement, il y a une schizophrénie juridique.

Que proposez-vous ?

Soit on maintient la situation actuelle et on renforce les devoirs des êtres humains sur les animaux. Soit on met le droit en cohérence : ce sont des êtres vivants, on leur reconnaît une qualité de personne au sens juridique. On crée une personnalité juridique pour leur donner des droits. Il ne faut pas avoir peur du terme de « personne », s’inquiéter d’une éventuelle équivalence entre les humains et les animaux. Il n’est pas question de leur reconnaître les mêmes droits qu’aux êtres humains.
Ce que l’on propose, c’est d’attribuer aux animaux la personnalité juridique en proposant leur intégration, dans l’ordonnancement juridique français, comme personne physique non-humaine. C’est aller plus loin que l’évolution de 2015. C’est tirer les conséquences de la Déclaration de Cambridge afin que le droit se mette en conformité avec la réalité. Pour guérir de cette schizophrénie juridique, il faut cette catégorie juridique de « personne physique non-humaine ». Et un régime spécifique qui en découlera.

Le bien-être animal n’est-il pas une question qui doit se régler au niveau de l’Europe ?

Une partie est réglée par l’Europe, notamment les normes sanitaires… Mais pour offrir des droits propres et du bien-être aux animaux, il faut qu’ils soient considérés comme une personne. On ne peut pas offrir du bien-être à une chose. Tous ceux qui traitent du bien-être mettent selon la formule la charrue avant les bœufs. On ne peut pas faire du bien-être avec des droits cohérents tant qu’on n’est pas une personne. Ce n’est pas logique.
Actuellement, on est plutôt dans le cadre des devoirs supplémentaires des êtres humains, ce qui n’est pas la même chose. Nous, ce qui nous intéresse, c’est de leur donner des droits propres aux animaux. Cela passe par la personnalité juridique et par la loi française.

Pourquoi la France est-elle particulièrement attendue sur ce sujet ?

La France a eu un rayonnement important avec le code civil de Napoléon. Beaucoup de droits européens se sont calqués sur le nôtre. La Déclaration des droits de l’Homme a été exportée un peu avant le Code civil. Des pays comme la Belgique ou l’Espagne évoluent. La Suisse a une législation intéressante. Mais les universitaires que l’on peut côtoyer, qui sont spécialisés dans le droit animal, attendent de voir ce que va faire la France à ce sujet. Il y a toujours cette symbolique. Le politique qui reconnaîtra la personnalité juridique de l’animal restera dans l’Histoire !

Est-ce dans ce cadre que vous avez présenté vos propositions à l’Assemblée nationale ?

C’était une demande de Valérie Gomez-Bassac (NDLR : députée LREM du Var) qui souhaitait que la proposition de texte de loi que nous lui avons soumise suite au premier colloque de notre trilogie, en mars 2018, soit présentée dans les grandes lignes aux autres députés et assistants parlementaires. Elle souhaitait que les universitaires qui ont travaillé sur les carences du droit français présentent leurs propositions pour l’améliorer et faciliter le travail des défenseurs des animaux mais aussi celui des éleveurs. Quand les règles sont posées, tout le monde est gagnant.
A travers la dynamique que nous mettons en place à l’Université de Toulon nous avons également ouvert un DU Droit des animaux unique sur la côte méditerranéenne française. Il n’existe pas ce type de diplôme à Perpignan, à Montpellier, à Marseille, à Nice... ni même à Bordeaux. Il y a une vraie carence dans l’enseignement et donc dans la connaissance de l’animal. Beaucoup d’avocats pensent que la loi de 2015 n’a rien changé mais ce n’est pas vrai. Il n’y a pas non plus d’enseignement spécifique à l’école de la magistrature. Ce diplôme est là pour diffuser les savoirs et, du coup, mieux traiter les animaux. Savoir c’est pouvoir, c’est la devise de notre diplôme. Et plus exactement, c’est pouvoir faire, faire faire, ne pas faire et … parfaire !



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