Jeudi 12 juin 2025 • 10h à 12h
Jardin du musée des arts et traditions populaires de Draguignan
Sous le haut patronage du Dr Pierre-Jean Gayrard
Auteur de : Un dragon Provençal (Actes Sud, 2001)
Avec tous nos remerciements pour ce plaisir et cet honneur
Nos mythes et légendes, nos œuvres littéraires et artistiques sont emplis d’êtres fantastiques : animaux hybrides ou êtres mi-humains mi-animaux, ils possèdent la particularité d’exister dans toutes les cultures, aussi bien occidentales qu’orientales, sur les vieux continents et les nouveaux. Leur permanence à travers l’espace et le temps leur confèrent une présence surprenante, en ce que la présence constitue l’élément déterminant de l’être alors pourtant qu’il s’agit là de fictions.
Certes, notre époque rationaliste a déplacé la fonction des êtres fantastiques, devenus aujourd’hui des métaphores artistiques et littéraires, de virilité (le minotaure de Picasso), d’inhumanité (le cafard de la Métamorphose chez Kafka) ou de l’étranger (l’Alien anthropophage chez Ridley Scott). On a oublié que, dans les différentes cultures, les êtres fantastiques étaient les gardiens de frontières que le bon sens interdisait de franchir. Il fallait être Ulysse pour écouter le chant les sirènes, Persée pour décapiter la Gorgone, saint Patrick pour se battre contre le dragon ; bref des héros, aussi extraordinaires que les êtres qu’ils affrontaient.
La pensée analogique nous permettait de voir dans ces êtres fantastiques des sortes de sentinelles, placées là pour avertir d’un danger mortel. Par la suite, la rationalité des Lumières nous a conduits à mépriser les anciennes légendes, reléguées désormais au seul monde des peintres et poètes. Oubliés le chant des sirènes, le feu du dragon, la prédation du minotaure. Oubliée la mémoire des lieux hantés par ces êtres et leur dangerosité : les terres inondables, les incendies de forêts, les pluies diluviennes, les chutes de pierres. L’enchantement est remplacé par des panneaux signalétiques, des alertes rouges et des prévisions algorithmiques, assurant aux hommes une apparente sécurité. Rassurez-vous, la science et la technologie vous protègent. Tout est planifié, l’information a subrogé les dragons et les loups-garous. La permanence disparaît au profit de l’instant présent.
Mais les dangers liés à la Nature, eux, n’ont pas disparu. Bien au contraire, le réchauffement climatique, les inondations et les sécheresses, les méga incendies et les premiers réfugiés climatiques mettent en évidence l’incapacité de la technologie moderne à supprimer les risques. Il n’y a pas de vengeance d’une Nature violée et maltraitée, juste une réponse proportionnée à notre mégalomanie. Ce n’est pas la Nature qui devient folle, c’est la prétention à la surpuissance de l’homme qui nous détruit. Le désenchantement de la Nature nous met face à nous-mêmes, « l’homme seul », sans Dieu(x) ni démons.
Peut-être seraient-ils temps alors de retrouver ces sentinelles qui s’érigeaient pour s’opposer à nos intrusions et nous rappeler notre vulnérabilité.
C’est le thème de la table ronde que nous proposons d’organiser : revoir les mythes et légendes des êtres fantastiques, ce qu’ils révèlent de nos liens à la Nature et de notre incapacité actuelle à en comprendre la complexité.
Nous avons réuni, à cette fin, plusieurs chercheurs issus de disciplines différentes : histoire, archéologie, littérature, sociologie, droit. Notre objectif est de croiser les connaissances, dans un débat ouvert à tous.
La table ronde, prévue le matin du jeudi 12 juin, s’inscrit dans le cadre d’une journée consacrée aux animaux fantastiques. Elle fait le lien avec une exposition sur ce thème, au musée municipal de Draguignan. Une conférence en fin d’après-midi, donnée par Hélène Bouillon, conservatrice du patrimoine au Louvre, clôturera la journée.