Lou DAMBEL, laboratoire J-AP2S



Doctorante au laboratoire J-AP2S de l’Université de Toulon, Lou Dambel s’intéresse aux liens entre rythmes de vie, activité physique et santé des enfants. Derrière un sujet qui peut sembler technique, il y a une conviction forte : la recherche doit avant tout servir à améliorer le quotidien de chacun, pas seulement celui des sportifs de haut niveau. Rencontre avec une chercheuse qui assume un parcours atypique, une parole libre et une vision profondément humaine de la science.

Pourquoi as-tu apporté des livres pour la photo ?

Les recherches de notre laboratoire sont tournées vers l’humain, pour lui et avec lui, peu importent les outils qu’on utilise. Mais bon, ça aurait fait mauvais genre de kidnapper un enfant dans la rue (rires).
Alors j’ai cherché des ouvrages à la bibliothèque universitaire qui pouvaient représenter mon travail : pas seulement le sport de haut niveau ou la performance, mais aussi et surtout l’enfant, la femme, la santé, les activités adaptées. Ce qui m’intéresse, c’est la dimension humaine, accessible à tous.

Concrètement, sur quoi porte ta recherche ?

Je travaille sur l’effet des vacances sur la condition physique des enfants. Tout le monde va me détester mais nos études semblent montrer qu’ils sont moins préservés à ce moment. Coucher tard, moins d’activité physique, repas décalés… les rythmes se dérèglent alors que notre corps fonctionne mieux lorsqu’il est régulier. Les enfants, qui sont en plein développement, y sont d’autant plus sensibles.
La condition physique est un marqueur essentiel du bien-être. Et l’école joue un rôle énorme de synchroniseur.

« Ma recherche, c’est remettre l’humain au centre »

Tes recherches peuvent-elles changer les choses ?

Je l’espère bien. J’ai des collègues qui trouvent parfois qu’on passe notre temps sur des micro-données sans impact réel. Moi, je vois ça différemment.
Par exemple : l’OMS recommande 60 minutes d’activité physique par jour pour les enfants. Certains pays ont décalé le début des cours d’une heure ou deux pour respecter les rythmes biologiques des adolescents. Résultats : des effets bénéfiques réels.
Ces idées ne sortent pas de nulle part, sur l’impression de trois profs. Ce sont les résultats de recherches. C’est ça le but : prouver, chiffres à l’appui, que des changements semblent nécessaires. Et derrière, l’idée, c’est d’aller jusqu’aux instances décisionnelles : Santé publique France, le ministère de l’Éducation nationale, etc., pour pouvoir mettre en pratique ce que l’on remarque.

Tu parles du sommeil des ados… tu penses vraiment que notre système n’est pas adapté à l’humain ?

Clairement. Déjà nous, adultes, ça nous ferait du bien aussi de commencer un peu plus tard, on ne va pas se mentir. On nous dit «  dormez 8 heures  », mais tu rentres du boulot, tu t’occupes des enfants, tu manges, tu veux souffler et hop, il est minuit. À 7h, tu dois être debout. Comment on fait pour respecter les recommandations ?
Les ados, c’est encore pire : leur cycle est décalé naturellement, ils ont besoin de dormir plus tard. Et malgré ça, on les oblige à commencer les cours à 8h. Résultat : fatigue, baisse d’attention, conséquences sur la santé. Pareil à l’école : on demande aux enfants de rester assis toute la journée, à un âge où le corps réclame du mouvement. Les rythmes scolaires ne sont pas adaptés aux rythmes physiologiques.

Ça fait des décennies que l’école fonctionne comme ça. Pourquoi vouloir changer ?

Le but, ce n’est pas seulement de vivre vieux, mais «  un vieillissement réussi  ». À 80 ans, tu préfères être capable de marcher, de faire tes courses ou d’être dépendant parce que tu n’as jamais fait de sport ? Il n’y a pas si longtemps, l’activité physique était réservée à une élite et on se disait que ce n’était pas bien grave si les classes populaires faisaient une journée de boulot et après, au lit ! Aujourd’hui l’activité physique est devenue un outil accessible qui peut améliorer les conditions de vie de tous.

Comment en es-tu venue à la recherche ?

Après le bac je me suis inscrite en médecine. Mais très vite, j’ai réalisé qu’avant de voir un patient tu devais attendre des années. Le hasard m’a fait découvrir STAPS. Pas pour le sport de compétition - j’ai toujours bougé mais j’ai toujours eu un niveau moyen - mais pour le versant «  activité physique et santé  ». On nous disait : «  vous allez travailler avec des personnes en situation de handicap, des personnes âgées, sur les risques de chute, les maladies cardios, les cancers…  » Ça m’a plu direct.
De la recherche, j’avais l’image d’hommes âgés en costume, quelque chose de totalement inaccessible où on ne comprenait pas du tout ce que l’on faisait dans un laboratoire. Et puis, cette année-là, un master s’est ouvert. C’est là que j’ai rencontré ma directrice de thèse actuelle. Elle nous a vraiment montré ce que c’était que de lire un article scientifique, de le comprendre, se l’approprier. C’est elle qui m’a proposé de faire une thèse. J’ai dû chercher sur Google tellement c’était abstrait pour moi !

Donc tu n’as pas eu une vocation de chercheur dès l’enfance ?

Pas du tout. Et je crois que c’est le cas de beaucoup de doctorants. C’est souvent une combinaison de timing, d’opportunités, de rencontres et d’envie.
Ce qui est bien, c’est que la recherche valorise la réflexion plus que la mémoire ou le parcours scolaire parfait. Dans mon labo, on a des profils très différents. Et si tu compares avec les autres laboratoires, c’est encore plus marqué. Tu n’as pas besoin d’être un génie ou d’avoir un parcours linéaire pour faire une thèse.

Justement, tu étais quel type d’élève au collège et au lycée ?

Plutôt bonne élève, mais jamais première de ma classe. Mes parents sont profs, donc j’avais du respect pour les enseignants, mais si je pouvais éviter les cours, je le faisais. Je préférais aller au skatepark avec mes potes.
J’avais des facilités en lettres, donc mes parents voulaient que je fasse un bac L. J’ai choisi scientifique, par opposition (rires). Aujourd’hui je fais de la science, et ça me va très bien.
En médecine, ça n’a pas marché parce que je n’étais pas prête ni capable de bosser 12 heures par jour. En STAPS, j’ai trouvé plus de liberté. En thèse, encore plus, tu peux avoir des semaines très intenses, faire des nuits blanches, puis des périodes plus calmes. C’est toi qui gères ton temps. Et surtout, tu apprends tout le temps des choses nouvelles.

« Tu peux te tromper. Ce n’est pas grave. L’important, c’est de trouver quelque chose qui te motive vraiment »

Tu as eu un parcours assez mouvementé : Paris, Marseille, Toulon…

Oui, ça a été un pèlerinage. Collège au Canada, lycée à Paris spécialité physique-chimie et classe Europe/anglais, puis médecine. Ensuite je suis partie à Marseille, en STAPS, puis Toulon. C’est chez moi maintenant. STAPS, c’est un peu mon quartier.
Je n’avais plus mes parents pour me pousser à travailler, il a fallu que je sois autonome. J’ai pris le temps de m’amuser mais je me suis toujours bougée pour aller en cours et en partiels. Tous les parcours sont possibles pour arriver en thèse mais il faut quand même travailler.
Ici, on a la chance d’avoir une université à taille humaine, où tu n’es pas anonyme. Arriver en L1, avoir des enseignants à qui tu peux t’adresser, des étudiants que tu connais, c’est essentiel.

Quel conseil donnerais-tu à un élève qui hésite sur son orientation ?

Au dernier jour du lycée, tu ne peux pas être à 100 % sûr de ce que tu veux dans la vie, je ne vois même pas comment c’est possible. Tu ne sais même pas quelle paire de basket tu vas mettre demain et il se passe tout en même temps : tu dois gérer ton bac, tes parents, ta copine ou ton copain, tes potes… Et tu devrais choisir ce que tu veux faire toute ta vie ? Prenez le temps, de toute façon, vous n’avez pas fini de savoir ce que vous voulez. J’ai des camarades qui ont changé trois fois de voie avant de trouver la bonne et d’autres qui ont su tout de suite ce qu’ils voulaient.
Tu peux te tromper. Ce n’est pas grave. L’important, c’est de trouver quelque chose qui te motive vraiment.

Pour finir : si tu devais choisir une œuvre qui symbolise ta recherche ?

Je pense à Spider-Man : Across the Spider-Verse. Ce film m’a marquée en première année de thèse, à un moment où tout était un peu flou. Ce film répète une idée qui me touche particulièrement : tout le monde peut porter le masque.
Ça veut dire qu’il n’existe pas un seul modèle, pas de parcours parfait, pas besoin d’être “exceptionnel”. Chacun avance avec ses forces, ses fragilités, son propre univers. Parfois, ça met la pression, mais au fond l’important, c’est de trouver sa place et d’apprécier le chemin. Pour moi, la recherche, c’est un peu pareil : il n’y a pas de voie unique, juste des personnes différentes qui avancent ensemble pour construire quelque chose qui ait du sens.



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