La courbure du flot peut-elle permettre de résoudre le 16e problème de Hilbert ?



Le laboratoire LSIS de l’Université de Toulon accueille le Professeur Valéry Gaiko qui travaille à la résolution d’un des derniers grands défis mathématiques du vingtième siècle. Ce directeur de recherche biélorusse s’intéresse à la méthode de courbure du flot développée par Jean-Marc Ginoux, chercheur au LSIS.

En août 1900, David Hilbert, un des plus grands mathématiciens du XXe siècle, présentait une liste de 23 problèmes qui devait marquer à jamais le cours des mathématiques. Plus d’un siècle plus tard, certains ont été résolus mais la plupart d’entre eux restent encore sans solution.

C’est notamment le cas du 16e problème sur lequel travaille le Pr. Valéry Gaiko, directeur de recherches dans le domaine des systèmes dynamiques à l’Académie des Sciences de Minsk. Plus précisément, sur la 2e partie de ce problème qui pose la question du nombre maximal et de la position mutuelle des cycles limites de Poincaré (orbites périodiques isolées) pour une équation différentielle polynomiale plane de degré donné. En d’autres termes, il s’agit d’établir une relation (algébrique) entre le degré n du polynôme et le nombre maximum de cycles limites que l’équation différentielle peut posséder.

Les systèmes dynamiques sont généralement utilisés pour modéliser l’évolution de phénomènes physiques, biologiques, économiques… au moyen d’équations différentielles. Considérons par exemple, le cas d’un modèle prédateurs-proies : lorsque le nombre de prédateurs est très faible, le nombre de proies croît et entraîne ainsi une augmentation du nombre de prédateurs qui se nourrissent des proies. Mais, à mesure que le nombre de prédateurs croît, le nombre de proies diminue de plus en plus jusqu’à ce qu’il n’y ait plus suffisamment de proies pour permettre la croissance des prédateurs. Leur nombre redevient alors très faible et l’évolution cyclique peut ainsi recommencer. Dans cet exemple, l’existence d’un cycle limite correspond mathématiquement à l’existence de cette évolution cyclique biologique.

Courbure du flot

Au début des années 1920, « le mathématicien Henri Dulac a néanmoins prouvé que le nombre de cycles limites que peut posséder une équation différentielle polynomiale est nécessairement fini, relève le Pr. Valéry Gaiko. Cependant, on ne sait toujours pas aujourd’hui relier leur nombre au degré du polynôme, ni préciser la manière avec laquelle ils sont distribués dans le plan de phase de Poincaré ».

La résolution du 16e problème de Hilbert permettrait dans l’exemple d’un modèle prédateurs-proies de comprendre comment un tel écosystème passe d’une évolution cyclique (cycle limite) à la disparition totale des espèces proies ou des espèces prédatrices en fonctions de leurs nombres ou de variations extérieures. Il deviendrait alors possible de prédire son évolution et donc de rétroagir sur le système afin d’éviter que des espèces (proies ou prédateurs) disparaissent. L’analogie qui existe entre ce simple modèle prédateur-proie et les modèles employés pour étudier l’évolution de la glycémie de patients diabétiques ou ceux utilisés pour représenter les fluctuations des marchés financiers, permettrait alors de fournir une solution à des problèmes qui concernent de nombreux domaines qui vont du biomédical au neurosciences en passant bien sûr par la finance.

Actuellement sur le campus de La Garde, le chercheur biélorusse s’intéresse à la méthode de la courbure du flot des systèmes dynamiques développée par Jean-Marc Ginoux, chercheur au laboratoire des Sciences de l’Information et des Systèmes (LSIS) de l’UTLN et qu’il a été invité à présenter mi-avril devant les membres de l’Académie des Sciences de Minsk. Cette méthode permet de déterminer la courbure de la solution d’une équation différentielle, de montrer une rotation de la solution dans un sens ou dans un autre. La mise en évidence d’une courbure de la solution étant un minimum préalable à l’obtention d’une courbe fermée et donc d’un cycle limite. Le Pr. Valéry Gaiko y voit une piste de réflexion qui pourrait nourrir ses propres recherches. Au cours du XXe siècle, de nombreuses solutions ont été proposées avant d’être finalement invalidées. Si la résolution du 16e problème de Hilbert semble encore inaccessible, la collaboration entre les deux chercheurs ouvre des perspectives de nouvelles coopérations entre le laboratoire LSIS et l’Académie des Sciences de Minsk.



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