Aldous Huxley : le meilleur des mondes était-il à Sanary-sur-Mer ?



Pour la septième fois, la communauté des spécialistes d’Aldous Huxley organise un symposium dans une région que l’auteur du Meilleur des mondes a lui-même visitée et explorée au cours de ses voyages dans le monde entier. Ce nouveau rendez-vous, organisé du 13 au 15 octobre par la Société internationale Aldous Huxley, en partenariat avec le laboratoire Babel de l’Université de Toulon, sera l’occasion de mieux appréhender l’empreinte qu’il a laissée en Provence et sur la littérature française.

Rencontre avec André-Alain Morello, maître de conférences à l’Université de Toulon, spécialiste des écritures romanesques des années 30 jusqu’à la fin des années 50 :

Écrit en 1932, Le Meilleur des mondes se place toujours dans les meilleures ventes de livres d’imaginaire, aux côtés de King, Werber, Boulle et Herbet. Comment expliquez-vous la longévité de ce succès ?

Nous vivons une période anxiogène, comme celle d’Huxley quand il a écrit Le Meilleur des mondes. Ce roman est sans doute révélateur de nos inquiétudes, et de nos interrogations. Il y décrit un monde dominé par la technologie, une dictature « soft » qui peut ressembler, par certains aspects, au monde de 2021. La technologie peut amener le meilleur comme le pire. Le meilleur (par exemple dans le domaine de la médecine), le pire (dans le domaine du contrôle des individus, de leurs faits et gestes…).

Bien qu’essentiellement connu pour ce roman, Aldous Huxley est l’auteur de nombreux ouvrages et a été nommé sept fois pour le prix Nobel de littérature. De quoi traitent ses autres œuvres ?

Ce serait en effet une erreur de limiter l’œuvre d’Huxley à ce seul livre. Comme toutes les grandes œuvres de la littérature, elle s’inscrit dans un mouvement, une évolution ; c’est aussi ce qui lui confère sa valeur. Huxley a écrit des romans satiriques, puis idéologiques, à la manière des écrivains français de l’entre-deux-guerres. Il est aussi l’auteur de nombreux essais. Son frère était scientifique, lui-même s’est interrogé, on le sait, sur « l’actualisation » de l’homme. Mais il s’est aussi intéressé aux sagesses orientales, au bouddhisme, au Tao.

Aldous Huxley est-il un visionnaire, un avant-gardiste ? Ou un prophète ?

À mon avis, il est un peu les trois. Prophète oublié, pour reprendre le titre d’un livre de Jean-Claude Mary (qui sera présent au colloque de Toulon), visionnaire comme a pu l’être Jules Verne, avant-gardiste, dans sa volonté d’inventer à la fois de nouvelles voies pour le roman, et une nouvelle pensée syncrétique. Le colloque sera aussi consacré aux théories philosophiques controversées de Huxley.

L’auteur anglais résidera à Sanary de 1930 à 1937. Quelle part de Provence peut-on retrouver dans ses écrits ?

Peu de Provence dans Le Meilleur des mondes. En revanche, dans La Paix des profondeurs, plusieurs chapitres évoquent un paysage provençal, la Méditerranée, « la longue crête droite de la Sainte-Baume ». Cette question sera l’objet de la communication d’un universitaire polonais présent au colloque. Huxley est également cité par un grand nombre d’écrivains français, Sartre, Cocteau, Guéhenno. Il était très présent sur la « scène littéraire » dans les années trente. Au cours du colloque, seront étudiées certaines filiations, par exemple avec Michel Houellebecq.

Exil à Sanary ? Huxley a vécu en Italie avant de s’installer à Sanary. Puis il ira vivre en Californie. Il recherchait les pays à soleil, sans doute en raison de ses problèmes de vue. Ajoutons qu’il connaissait bien les milieux intellectuels et artistiques français, qu’il parlait français, et qu’il se sentait un peu chez lui en France. Son exil n’est pas tout-à-fait un exil ; Il retournait régulièrement en Angleterre…



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