XIVe Journée d’études de l’UMR DICE - CNRS 7318 : Les échecs normatifs



Vendredi 14 octobre 2022
Faculté de droit • Université de Toulon • Amphi 100

Présentation

La XIVe journée d’études annuelle de l’UMR (7318 DICE), portant sur Les échecs normatifs, est organisée par le Centre de droit et de politique comparés Jean-Claude Escarras, à la faculté de droit de Toulon (35 rue Alphonse Daudet, 83000 Toulon).

L’échec se manifeste par un élément nouveau, le commencement de quelque chose qui, en fin de compte, n’est pas allé jusqu’au bout. Il y a eu une action (tel qu’un projet rédigé) à laquelle était affectée une finalité précise mais cette finalité n’a jamais été atteinte. C’est donc par la réunion de quatre critères que l’on reconnait l’échec : une intention, une action, une finalité et l’interruption subite du processus avant qu’il aille à son terme. La définition donnée vaut pour tout type d’échecs, y compris normatifs.
Certains échecs normatifs semblent liés aux circonstances extérieures, par exemple les divisions politiques ayant entraîné le rejet par référendum du projet de réforme de la Constitution italienne en 2016. D’autres échecs paraissent s’expliquer à raison du contenu du projet, par exemple la Constitution européenne. Néanmoins, cette distinction causes externes/internes s’avère trop simpliste car, en examinant de près les deux expériences mentionnées, on constate que le contenu du projet de la réforme constitutionnelle italienne n’emportait pas l’unanimité (notamment l’idée de revaloriser le rôle du Gouvernement au détriment du Parlement) et, inversement, la Constitution européenne a été proposée à un moment de l’évolution de l’Union européenne, l’entrée des Etats de l’Est, qui fragilisait la cohésion. Il serait par conséquent réducteur de vouloir simplifier à l’excès les échecs normatifs selon qu’ils aient été causés par les circonstances ou par le contenu des textes.
Le thème de notre recherche consiste tout au contraire à ne partir d’aucun préjugé déterminé, de manière à pouvoir évaluer librement les échecs normatifs ainsi que leur portée.
Il ne faut pas non plus s’arrêter sur la forme pour déterminer s’il y a ou non échec. Un texte est un échec même lorsqu’il a été mis en application si sa durée de vie s’avère courte. Il en va ainsi de la Constitution de 1946, dans la mesure où une Constitution, en tant qu’acte fondateur, a vocation à durer sur le long terme. Pour la même raison, on ne peut pas conclure à l’échec d’un texte au motif qu’il n’a connu formellement aucune application. Le mot « application » est polysémique en droit : il peut s’exprimer à la fois dans l’adoption et dans l’absence d’adoption d’actes d’exécution, comme en témoigne l’article 47-1 al. 3 C. (les dispositions du projet de loi de finances pourront être mises en œuvre par ordonnance si le Parlement ne se prononce pas dans un délai de cinquante jours). Il n’a jamais donné lieu à application formelle, dans le sens où aucune ordonnance de l’article 47-1 al. 3 n’a été prise. C’est justement là que se situe sa réussite, ce texte ayant une finalité dissuasive.
A l’inverse, des textes sont appliqués mais en deçà de leur contenu. On pense ici aux échecs normatifs consécutifs à une politique, aussi ancienne et constante que les dispositifs juridiques qui sont censés la mettre en œuvre, mais dont on sait qu’elle ne pourra pas être en réalité appliquée telle qu’annoncée. La situation est illustrée par la politique d’éloignement des étrangers.
Les exemples mentionnés ne sont évidemment pas exhaustifs, tant les hypothèses d’échecs peuvent être légion.
Pour mesurer l’échec normatif, au-delà de ses classifications, il conviendrait sans doute de distinguer, à la manière italienne, les dispositions et les normes ou, à la manière française, le contenant et le contenu. Cela nous permettrait de constater que si le texte (ou la jurisprudence) est abandonné mais que son contenu est repris par ailleurs, ce qui semblait être un échec sur le court terme s’avère en réalité un succès. L’élément déterminant est constitué en effet par le contenu du texte. C’est la raison pour laquelle le critère de l’évaluation de l’échec est le contenu plus que le contenant.
De fait, l’échec sera complet si le texte est totalement rejeté, sans que rien de son contenu n’ait été maintenu, comme l’illustre l’abandon en 2021 par l’Union européenne du projet de taxe numérique. L’échec sera partiel lorsque des parties du texte ou même son esprit sont réutilisés sous une forme ou une autre. C’est le cas de la Constitution européenne ou des propositions de la Convention citoyenne sur le climat.
Au final, il s’agit moins de compter les échecs que de chercher, au-delà de l’apparence d’un échec, ce qui peut s’avérer être un succès. L’évolution du droit ne saurait alors s’apprécier exclusivement en fonction de mutations expresses, elle se traduirait également par l’insertion de normes qui ont su s’imposer indépendamment du sort réservé à leur contenant initial.

Si nous devions distingués les échecs normatifs entre eux, le plus simple serait de les classer en fonction de l’étape dans laquelle ils se sont manifestés, autrement dit selon un ordre chronologique : à l’étape du projet, à celle du texte ou de la jurisprudence adoptée mais jamais appliquée, à celle du texte ou de la jurisprudence adoptée et appliquée pour une durée très courte.
Cependant, il existe des cas sui generis, tels l’échec d’une codification ou l’échec possible mais pas encore vérifié d’un texte de loi. A la simplicité du plan chronologique, il a été par conséquent préféré une distinction générale, entre les causes juridiques et les causes politiques des échecs. Certes, l’insuccès d’un texte ou d’une jurisprudence est souvent dû à plusieurs facteurs, aussi les thèmes développés sont-ils classés selon la cause la plus apparente. Il reviendra aux participants de nous faire découvrir les raisons profondes et parfois méconnues de différents échecs normatifs rencontrés en France et ailleurs, hier et aujourd’hui.

Organisateurs



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