Soutenance de thèse de M. Laurent JOURDAA - Laboratoire CERC

Le Bureau des Études Doctorales a le plaisir de vous informer que

Monsieur Laurent JOURDAA

Doctorant au laboratoire CERC – Centre d’Études et de Recherche sur le Contentieux – EA 3164, rattaché à l’école doctorale 461 « Droit et Science politique », sous la direction de M. Jean-Jacques SUEUR et de M. Michel PAILLET, soutiendra publiquement sa thèse en vue de l’obtention du doctorat en Sciences Juridiques, sur le thème suivant :

« Les contentieux de l’image : étude de jurisprudence comparée »

Le samedi 29 mars 2014 à 9h00, à l’Université de Toulon, Faculté de droit de Toulon, salle du Conseil au 3ème étage,

Composition du jury :

  • Mme Marie CORNU, directrice de recherche au CNRS, Université de Poitiers,
  • M. Emmanuel DERIEUX, professeur à l’Université de Paris 2, rapporteur,
  • M. Jean-François RENUCCI, professeur à l’Université de Nice Sophia Antipolis, rapporteur,
  • M. Michel PAILLET, professeur à l’Université de Toulon,
  • M. Jean-Jacques SUEUR, professeur à l’Université de Toulon.

Résumé :

Ce travail de recherche propose d’aborder sous un angle original le statut de l’image en droit public à travers la jurisprudence française et européenne. En effet, il n’existe pas de définition juridique de l’image et les textes français et européens (C.E.D.H, U.E) ne garantissent pas expressément la liberté de l’image. Celle-ci est rattachée à la fois à la liberté d’expression, notion très large et abstraite (article 11 de la D.D.H.C de 1789 ou article 10 de la C.E.D.H) mais aussi à la liberté de communication qui est une notion trouvant un large écho à l’aube des nouvelles technologies du numérique (cas de la liberté de communication audiovisuelle ou de la liberté de communication en ligne). Le droit ne définit pourtant pas le terme de communication alors que le phénomène de convergence des médias appelle à se pencher sur une définition juridique de cette notion.

Cette thèse, par un effet de zoom, vise à souligner les carences du droit dans la protection de l’image. Son statut juridique semble reposer essentiellement entre les mains des juges qui ont forgé en droit français le concept de droit à l’image : concept abstrait, fourre-tout qui obéit principalement à une finalité économique, même s’il révèle aussi une crise identitaire des sociétés modernes. Le droit à l’image n’est pas un droit consacré par les textes, mais il est rattaché au droit du respect de la vie privée (article 9 du Code civil).

Les deux axes principaux de recherche abordés dans la thèse font ressortir que l’image n’a jamais eu un statut équivalent aux écrits et qu’elle a toujours fait l’objet de contrôles exercés par le pouvoir politique ou le pouvoir économique.

L’image peut faire l’objet d’une interprétation large étant donné son caractère polysémique et subjectif. Elle peut être d’essence créative, distractive, informative ou marchande.

Elle a le pouvoir d’être réaliste mais aussi de revêtir une part d’imaginaire plus difficilement perceptible et qui relève du monde des représentations : l’image comme langage. Le Droit en tant que discipline rationnelle a alors du mal à porter un regard objectif sur elle. Pourtant, l’image comme forme de message tient une place de plus en plus importante dans la société actuelle tournée vers le visuel ainsi que vers la logique des communications de masse. Les médias occupent de plus en plus l’espace public et même la sphère privée des citoyens au nom du pluralisme de l’information, ce qui n’est pas sans danger à l’ère des nouvelles technologies du numérique mettant à dispositions des techniques toujours plus élaborées pour capturer l’image des personnes ou porter atteinte aux droits d’auteur.

Ainsi, la thèse vise à aborder le statut jurisprudentiel de l’image à travers deux facettes de celle-ci, tout en faisant ressortir une approche pluridisciplinaire, voire interdisciplinaire nécessaire en la matière grâce à l’étude de disciplines comme la philosophie, la sociologie, la sémiologie ou la médiologie de Régis DEBRAY.

Un premier regard permet de dessiner l’image comme forme d’idéologie politique ou de pouvoir. L’État, par la maîtrise des moyens d’information contrôle aussi l’image et exerce, sur elle, un pouvoir de censure dès lors qu’elle risque de remettre en cause les valeurs sociales dont elle est porteuse. L’image est soumise à des contraintes à la fois spatiales mais aussi temporelles dépendant en grande partie des supports comme le papier, support de transmission par excellence.

Les juges nationaux, sous l’influence des juridictions supra-nationales se dressent en rempart contre cet arbitraire politique toujours plus ou moins présent aujourd’hui en ce qui concerne le secteur cinématographique ou audiovisuel. Les juges libèrent l’image de l’emprise du politique et révèlent, par la même, la puissance que celle-ci peut renfermer. Le juge apparait ainsi comme un libérateur au travers de la mosaïque des contentieux étudiés.

Un deuxième regard tend à montrer que l’évolution des nouvelles technologies a favorisé l’émancipation de l’image par rapport au pouvoir politique alors que de nouvelles formes de régulations s’imposent à l’ère du numérique, transformant l’image en une donnée dématérialisée qui échappe à tout contrôle pour obéir à une logique de flux vidant son contenu de tout sens, de toute signification au profit du contenant, c’est-à-dire les supports multiformes. Avec la webosphère, par exemple, les contraintes liées au temps et à l’espace s’effacent.

Cependant, à travers l’Internet (dont la qualification de media reste discutable) l’image, mais aussi d’autres formes de messages présents sur la toile, se présenteraient aussi comme une recherche d’un renouveau démocratique dans un environnement virtuel posant la question d’une reconstruction du droit et des rapports entre l’homme et l’image à la fois comme bien culturel mais aussi comme valeur. Par l’intermédiaire de cette dernière, il s’agirait ainsi de repenser le droit, de démocratiser à travers l’image son accès (cas de la retransmission sur des supports visuels de jugements ou de délibérations d’organes institutionnels au nom du droit à l’information) ou de faire que le droit puisse démocratiser lui-même l’accès aux œuvres visuelles du domaine public à des fins de connaissance (cas des archives ouvertes). L’image ne serait plus seulement un instrument de pouvoir (image-pouvoir) mais aussi permettrait une vulgarisation des savoirs (image-savoir) dans tous les domaines, à condition que le droit puisse s’adapter aux techniques nouvelles. Les juges assureraient alors une fonction de médiation, de conciliation entre les deux.

En somme, la solution du renouveau démocratique pourrait se faire en rapprochant les règles du droit l’environnement naturel ou de l’écologie pour les adapter dans le domaine artificiel occupé par les médias de l’image et les systèmes institutionnels maîtrisant les supports visuels afin de redéfinir les rapports entre l’homme et la société du XXIe siècle tournée vers l’économie et le progrès technologique. Un nouveau champ disciplinaire pourrait se concevoir sous l’intitulé : « droit de l’environnement multi-communicationnel » découlant du concept « d’eikonologie juridique » (droit de l’image), sorte d’inventaire visant à conserver le patrimoine culturel dans son aspect matériel et immatériel, faisant de l’image une passerelle entre les deux mondes, puisque son existence est conditionnée à la fois par un support (éphémère ou durable), une idée et une valeur.