Table ronde : Le concept d’arbitrage - Laboratoire CERC

Vendredi 3 juin 2016 – Amphi 300 – Faculté de droit de Toulon

Vendredi 3 juin 2016 – Amphi 300 – Faculté de droit de Toulon

« […] De quel droit ne parlerai-je pas de la médecine sans être médecin si j’en parle comme un chien ? Pourquoi ne parlerai-je pas de la drogue sans être drogué, si j’en parle comme un petit oiseau […] L’argument de l’expérience réservée est un mauvais argument réactionnaire […]. » G. Deleuze, Pourparlers, 1972-1990. Les éditions de minuit, Paris, 2003, p. 22

L’objet de cette journée d’études sera de développer une analytique du « concept d’arbitrage » à partir de la mise en œuvre de celui-ci dans le domaine sportif et ceci dans le but de développer notre compréhension du « concept juridique d’arbitrage ». Pour cela nous devrons préciser de manière liminaire notre usage du terme de concept.
Celui-ci sera entendu comme un instrument intellectuel disposant toujours de deux facettes : normative et cognitive. En ce sens, un concept offre une mise en ordre du monde et une représentation de celui-ci. En outre, un concept est toujours une manière spécifique de répondre à un problème que nous pose le monde. En ce sens, le concept n’est finalement qu’un savoir pratique. Le concept est à lui-même sa raison : « la raison » de la règle qu’il installe.
Notre volonté dans le cadre de cette journée d’études sera de croiser les regards et les analyses entre deux domaines spécifiques de mise en œuvre de ce concept d’arbitrage : nous faisons ainsi le pari de dégager, non seulement, une question commune expliquant la pertinence du concept mais aussi celui de clarifier la structure interne du concept.
Cette volonté de croiser arbitrage sportif et arbitrage juridique peut sembler artificielle mais elle résulte pour nous d’une certaine idée de la pensée et plus largement de la pensée juridique. Nous souhaitons ainsi récuser l’argument de l’expérience réservée. Il est commun d’affirmer que l’innovation se manifeste toujours à la frontière des savoirs et des disciplines nous souhaitons ici mettre en œuvre concrètement cette affirmation.
En croisant les expériences et les discours de juristes, de sportifs et d’arbitres nous avons ainsi vocation à provoquer la pensée… Celle-ci bien souvent ne se manifeste que dans l’inamical et à partir de ce qui la provoque du dehors… autrement elle ne fait que ronronner.
Cette approche nous semble pertinente au regard de l’expérience du juriste. L’arbitrage semble prima facie pour le juriste un champ relativement bien cerné. Il se présente, de manière classique, sous l’apparence d’un mode conventionnel de règlement juridictionnel des litiges rendant compte d’une perception pragmatique du droit. Pour autant son extension contemporaine semble paradoxalement exprimer une certaine fragilité. On sait que ce qu’un concept gagne en compréhension il est nécessairement amené à le perdre en extension – et réciproquement. De fait, le champ de l’arbitrage gagne de manière continue du terrain et suscite, dès lors, et à la marge de réels problèmes de définition. Entre les diverses formes de l’arbitrage n’existe bien souvent qu’un « air de famille ».
Notre propos à l’occasion de cette journée tendra donc à opérer une conversion du regard afin de clarifier ce concept et de comprendre sa pertinence.
Pour ce faire nous avons décidé de développer notre réflexion de la manière suivante.
Après avoir, dans le cadre de propos introductifs, dégagé la singularité de l’arbitre et du juge nous serons conduits à réfléchir ensemble à trois questions qui mettent en cause les comportements qualifiés de nomotropiques : ceux qui sont ainsi orientés conformément à la règle. Il s’agit donc de penser la relation à la règle de manière différente de celle classique adoptée par le juriste selon une modalité simple d’application ou de refus et de rendre ainsi justice à une sorte de pragmatisme de la règle.
Le particularisme du fait de suivre une règle : dans la gestion de ces comportements nomotropiques l’arbitre doit-il conduire, diriger ou seulement faciliter la mise en œuvre du « jeu » dans lequel œuvre la règle ?
Le fait de contrevenir à la règle pour l’arbitre s’analyse-t-il de manière spécifique ? Tricher est-ce ainsi changer de jeu ? L’arbitre fait-il une distinction entre les fautes (fautes dans le jeu ou contre le jeu…) ?
La mise en œuvre d’une sorte de panoptique liée à une certaine conception arbitrale est-elle à même de modifier la pratique arbitrale ? Cette question qu’illustre par exemple l’intervention de la vidéo dans le domaine sportif peut servir de paradigme afin de discuter pour les juristes des questions tenant à la publicité ou à la transparence de l‘arbitrage juridique…