Accouchement : un diplôme de l’Université de Toulon pour mieux accompagner

Attention : les premières lignes de ce texte vont peut-être vous choquer. Au point que vous n’aurez pas envie de lire la suite. Ce serait dommage. Il s’agit seulement d’un petit aperçu, certes caricatural, du climat dans lequel évoluent les Françaises enceintes, depuis des années, et ça continue...

Magali Dieux, fondatrice de l’association « Naître enchantés » et Joël Dessaint, intervenant du Diplôme d’Université Accompagner, de la procréation à la naissance, alertent sur le besoin des futurs parents d’être écoutés et rassurés.

« Vous soutenez que les violences obstétricales existent, que des césariennes et des épisiotomies sont effectuées sans nécessité ? » « Que des femmes qui accouchent peuvent être traitées sans aucun respect, priées de se taire, de souffrir sans se plaindre et de laisser travailler les professionnels ? » « Allons, avouez ! Vous êtes une adversaire de l’hôpital et de ceux qui y travaillent. Vous voulez revenir à l’accouchement à domicile, dans la douleur et sans aucune sécurité. Vous êtes une ennemie de la Science et une anti féministe. »

« Vous affirmez que les douleurs d’un accouchement peuvent être atroces et que la péridurale est un grand progrès ? Vous dites qu’un accouchement peut présenter des difficultés imprévues et qu’un environnement médicalisé est nécessaire ? Vous pensez que la plupart des professionnels intervenant autour de la naissance sont attentionnés ? » « Allons, avouez ! Vous voulez voler aux femmes leur accouchement, les empêcher de le vivre pleinement, les traiter comme des objets. Vous êtes une ennemie du naturel et une anti féministe. »

Sommes-nous vraiment condamné(es) à choisir ?

Pour nous, ce qui est en jeu dans les débats d’aujourd’hui autour de la naissance, ce n’est pas une opposition stérile entre la Science et la Nature. Il ne s’agit nullement de rejeter les avancées de la science, au contraire, mais de se souvenir que plus nous utilisons la technique, plus nous devons être attentifs à l’humain. Il s’agit de replacer les enjeux là où ils se trouvent vraiment : dans les relations qui se nouent entre les soignants (les sachants) et les femmes enceintes (les non-sachantes soi-disant). C’est l’objet du diplôme « Accompagner, de la procréation à la naissance », créé par l’Université de Toulon en partenariat avec l’association Naître Enchantés et le Conservatoire National des Arts et Métiers (Chaire de philosophie à l’hôpital).

Les femmes enceintes, tout comme les patients en général, veulent de plus en plus souvent instaurer avec les soignants une relation de confiance, fondée sur la coopération. Elles ne contestent nullement les savoirs techniques des soignants, elles ne cherchent pas non plus – en dehors de quelques rares extrémistes - à souffrir ou à réaliser une quelconque performance.

Elles veulent simplement être les actrices informées et conscientes d’un évènement qui les concerne très directement, elles, leur conjoint et l’enfant qu’elles mettent au monde : quoi de plus « naturel » ? Mais elles ne savent pas toujours le dire parce qu’elles sont impressionnées par le milieu médical (la technique, le vocabulaire, la manière dont on leur parle…) ou simplement parce qu’elles sont stressées par les douleurs, la fatigue, l’angoisse….

Quand l’angoisse des femmes vient de ne pas se sentir « à la hauteur »

Cela signifie que les soignants doivent être prêts à accueillir ces angoisses des femmes – et plus largement celles des couples - et à y répondre. Quand l’anesthésiste répond sur un plan strictement technique à cette femme qui lui demande si la péridurale fait vraiment mal, il prend le risque de la décevoir.

Pourquoi ?

Parce qu’en posant sa question, elle-même ne sait pas tout ce que cette question peut cacher et qu’il faut le questionnement du médecin pour qu’elle comprenne ce qui l’inquiète vraiment : l’aiguille ou l’analgésiant de synthèse ou bien l’échec de la péridurale pour sa sœur ou encore la peur d’être paralysée, etc...

Par quelle magie cette cadre sage-femme arrive-t-elle à calmer cet homme qui, il y a encore quelques minutes, mettait le service en ébullition en hurlant, parce qu’il n’y avait pas de plateau de petit-déjeuner pour lui ? Par la « magie » d’un questionnement précis dans une écoute attentive qui a aidé l’homme à comprendre qu’en fait, il était terrorisé à l’idée de ne pas savoir prendre sa place de compagnon et de père. C’est la différence entre une demande explicite « je veux un plateau déjeuner » et une demande implicite « Où est ma place de père ? ».

Les professionnels de la périnatalité doivent augmenter leurs compétences dans le domaine de la relation.

Savoir entendre une demande implicite et y répondre ne peuvent plus être des compétences réservées aux seuls psychologues. Qu’on le veuille ou non, via les réseaux sociaux notamment, les parents se vivent comme des experts de la naissance. Les professionnels de la périnatalité doivent donc augmenter leurs compétences dans le domaine de la relation : avoir la bonne écoute et la bonne réponse en très peu de temps nécessite un apprentissage et un entraînement. En effet, les soignants ne peuvent prétendre accompagner le comportement des parents sans travailler sur leur propre comportement, comme le montrent les exemples ci-dessus.

C’est l’un des objectifs de ce D.U. Il ne s’agit pas seulement de confort ; c’est un réel objectif de santé pour les femmes enceintes mais aussi pour leurs conjoints, les fœtus et nouveaux nés.

Trois temps forts composent le DU

Ce Diplôme d’Université « Accompagner : de la procréation à la naissance – Optimiser
l’impact de la relation Professionnels/Parents au bénéfice de l’enfant à naître » est structuré autour de dix rencontres mensuelles, ponctuées en trois temps :

Premier temps : construire l’état des lieux et partager. Que peuvent apporter les experts et praticiens à la réflexion ? Les auditeurs croisent leurs points de vue avec des conférenciers venus de multiples horizons (psychologie, histoire, ethnologie, philosophie, droit, économie, médecine…).

Deuxième temps : expérimenter et ajuster ensemble. Quelles sont les opportunités et dérives des divers accompagnements ? Existe-t-il de nouvelles façons d’être en lien ? Il s’agit d’un véritable laboratoire pratique où la relation est scannée, décortiquée, ciselée... en direct.

Troisième temps : construire son plan d’actions personnel : « Quel acteur de l’accompagnement ai-je envie d’être ? Pour quelle clientèle ? Quelle est ma manière de communiquer et quels en sont les effets sur le couple ?

Cette formation commence le 1er octobre 2020. Elle peut se suivre à la carte et en digital.