Conférence "Corps prohibés, femmes intouchables" de Fanny Blin
L’Équipe « Corps, Genre, Santé » dirigée par André-Alain Morello et Nicolas Balutet, UFR Lettres, Langues et Sciences Humaines proposent une conférence dans la thématique du Séminaire 2017-2018 : « Les sens du toucher » :
Corps prohibés, femmes intouchables : Phèdre et Antigone dans le théâtre espagnol contemporain
par Fanny Blin
ATER-Docteure en espagnol,
Université de Toulon
Jeudi 8 février à 13 h
Salle W1.115 • Campus de La Garde
UFR Lettres, Langues et Sciences Humaines
Entrée libre
Résumé :
Dans le théâtre espagnol contemporain, la reprise de figures mythiques féminines bouscule régulièrement le schéma traditionnel de leur rôle classique. Transgressives, elles instaurent un rapport renouvelé au pouvoir et au patriarcat, échappant de plus en plus au carcan séculaire de leur destin tragique. C’est le cas notamment de Phèdre et d’Antigone dans trois pièces des années 1970-1980 en Espagne : Fedra de Lourdes Ortiz, Antígona de Luis Riaza et Creón… Creón de Xosé María Rodríguez Pampín. Ces trois dramaturges questionnent le rapport au corps des femmes dans l’espace public, et mettent en scène des personnages féminins qui transgressent les interdits relatifs aux corps " tabous " - dégradation contemporaine du sacré -. Ainsi, l’Antigone de Rodríguez Pampín refusait en 1975 de se conformer aux prohibitions prétendument hygiénistes d’un tyran qui chasse les corps défunts hors de la cité. S’en allant toucher le cadavre de son frère, elle révèle que la putréfaction contamine plutôt le pouvoir obsédé par sa propre pureté. Riaza met quant à lui à l’épreuve les corps des morts, réduits à l’état de carcasses animales, tandis que le corps de l’héroïne grecque, dès lors qu’elle ne les touche pas, ne les enterre pas, se transformera en pantin déshumanisé. Ces procédés entrent en résonnance avec le sort de la Phèdre de Lourdes Ortiz, qui revendique une corporéité réinvestie, et se définit comme un sujet de désir qui réclame autant de toucher que d’être touchée. Entre rapport au corps de l’autre et au corps propre comme lieu ou geste sacré, les discours de ces femmes, cent fois réinterprétés au fil des époques, se chargent de sens nouveaux au prisme des questionnements sur le genre dans l’Espagne de la fin du XXème siècle. Il s’agira donc de mettre en perspective les sens du toucher, exercé ou subi, par des corps féminins en souffrance, dans ces trois pièces.