Football : 200 mots et expressions pour briller les soirs de matches

Arnaud Richard, enseignant-chercheur à l’UFR Lettres, Langues et Sciences humaines de l’Université de Toulon, spécialiste d’analyse du discours appliquée au sport, a coécrit En plein dans la lucarne ! Un ouvrage, publié aux éditions Le Robert, recensant 200 mots et expressions sur le football, éclairé par les anecdotes de Michel Denisot, Président du PSG entre 1991 et 1998.

Pour un linguiste du sport, réaliser un ouvrage sur le foot était une évidence ?

Mon travail sur la manière dont on catégorise les sportifs par des caractéristiques physiques s’est d’abord concentré sur les Jeux olympiques et l’athlétisme, notamment Christophe Lemaître lorsqu’il avait été qualifié de « 1er Blanc à courir le 100 m en moins de 10 s » en 2010. Le sport est un lieu d’affrontements politiques et de rivalités entre ethnies. Mais il a aussi un rôle pacificateur. M’intéresser au football a été une évidence parce que c’est l’un des sports les plus vus au monde - en particulier en France. Je me suis d’abord penché sur la récupération politique de la formule « Black, Blanc, Beur » qu’on a autant présenté comme la raison de la victoire de 98 que l’échec de 2002. C’est une formule qui marche à tous les coups.

Comment se présente l’ouvrage ?

J’ai coécrit cet ouvrage en collaboration avec Médéric Gasquet-Cyrus, un collègue et ami d’Aix-Marseille Université, spécialiste notamment du parler marseillais. La présentation est dictionnairique parce qu’elle est par ordre alphabétique. Mais on n’a pas essayé de trouver systématiquement l’étymologie ou la première occurrence des 200 mots sélectionnés sur la période allant principalement des années 70 à nos jours. Sur la moitié d’entre eux, Michel Denisot apporte des anecdotes tirées de son expérience et d’échanges qu’il a pu avoir avec Michel Platini, Bernard Tapie…

Comment s’est déroulée cette collaboration avec l’ancien présentateur de Canal + ?

Le livre est édité dans une collection pour laquelle Le Robert ajoute un « pimenteur ». Michel Denisot s’est imposé rapidement dans ce rôle. Avec son côté « pince sans rire », il apporte beaucoup de références très intéressantes. Médéric et moi aimons jouer avec les mots, leur polysémie. Ce sont deux perspectives différentes mais harmonisées. Nous avons eu une liberté de ton même si nous n’étions pas toujours d’accord.
Pour lui, un vrai hat-trick, c’est trois buts consécutifs par le même joueur et « pied gauche, pied droit et la tête ». Sinon, ce n’est pas le hat-trick historique, celui de Michel Platini contre la Yougoslavie, à l’euro 84. On a eu des discussions aussi autour du gardien de but : il a fallu choisir parmi de nombreux termes qui s’y rapportent : le portier, la passoir… Mais on n’est pas allés chercher des expressions qui peuvent être discriminantes ou trop péjoratives. Moi, j’aime beaucoup les jolis « coups » : le coup du scorpion, le coup du sombrero. Il y a aussi les gri-gris.

Le football est-il une langue vivante ?

C’est une langue en évolution constante. Il faudrait un second tome pour intégrer, réactualiser des expressions. Certaines vont peut-être émerger bientôt, d’autres disparaitre. Est-ce que dans 20 ans, on va toujours « zlataner » ? Je n’en suis pas certain néanmoins on dit toujours faire une « Madger » ou une « Panenka » alors que ce sont des joueurs qui ont pris leur retraite depuis des décennies.
Le football a un vocabulaire avant tout mais il y a aussi des spécificités dans les manières de commenter, dans le débit, dans les célébrations. Eugène Saccomano, avec ses envolées lyriques inspirées des commentateurs latino-américains, avait une manière à lui de commenter que d’autres n’ont pas su perpétuer. Certains disent que le championnat de Ligue 1 n’est pas le meilleur au monde mais, comme les droit TV sont élevés, il faut le rendre attractif. Les questions de classico qu’on a essayé de décliner dans toutes sortes de derby vont avec l’événementialisation. On parle de « celtico » pour qualifier l’opposition entre Rennes et Lorient. Il y a l’ « Olympico » entre l’Olympique de Marseille et l’Olympique lyonnais.

Faut-il s’attendre à ce que de nouvelles expressions émergent avec cette coupe du monde ?

En Afrique du Sud, il y a eu les Vuvuzela, le clapping islandais lors du championnat d’Europe de 2016. Pour la coupe du monde au Qatar, je n’ai rien vu d’émergent a priori. Ce n’est pas systématique. Ce qui est intéressant, c’est la prononciation des patronymes d’origine africaine. Est-ce que c’est « M » bappé ? est-ce que c’est « mbappé » ? Est-ce que c’est « N » Golo Kanté ou « ngolo » Kanté ? Il y a tout un débat à ce sujet. Ça permet à des personnes qui portent le même nom ou le même type de nom d’entendre prononcer leur patronyme de la manière qu’ils souhaitent qu’il le soit. Et ça, c’est une forme de progression. Se poser la question est positif car cela met en avant une diversité et une richesse linguistique.

Expressions à connaître pour briller les soirs de matches :

  • Le café-crème : dribble rapide et spectaculaire qui permet de passer un adversaire, souvent avec une touche d’humiliation ;
  • Coup du foulard : qu’on appelle aussi « une rabona », du nom du joueur qui l’a popularisé (sans être le premier à l’avoir réalisé), est une technique de frappe où l’on croise la jambe qui frappe le ballon derrière la jambe d’appui ;
  • Groupe de la mort : groupe le plus relevé de la compétition, dans lequel plusieurs équipes peuvent prétendre à la victoire finale ;
  • Remontada : expression popularisée après une défaite du PSG face au Barça, se dit lorsqu’une équipe réussie à remonter une importante différence de buts pour finalement remporter le match ;
  • Tiki-taka : onomatopée qui renvoie à un jeu de passes courtes et rapides. L’expression vient d’un journaliste espagnol qui expliquait comme jouait le Barça de Guardiola.