[Portrait] Enseigner aux enseignants

Julie Timmermans est conseillère pédagogique au Centre de Soutien Pédagogique de l’Université de Waterloo, au Canada. Du 27 octobre au 7 novembre, elle a proposé aux enseignants et enseignants-chercheurs de l’UTLN des formations à la pédagogie universitaire.
À l’occasion de sa venue en France, nous l’avons rencontrée.

Vous êtes conseillère pédagogique. En quoi cela consiste-t-il ?

Au Centre de Soutien Pédagogique (Centre for Teaching Excellence) de l’Université de Waterloo, nous travaillons pour améliorer l’apprentissage des étudiants. Nous accompagnons les professeurs, les étudiants en maîtrise et en doctorat, les départements pour le renouvellement des programmes, ainsi que la politique universitaire dans ce domaine. Nous sommes une équipe de 20 personnes permanentes à laquelle peut s’ajouter jusqu’à 10 doctorants.

Les centres de ce type sont de plus en plus répandus dans les universités canadiennes, où les gens peuvent venir parler de pédagogie. Vous savez, il y a une phrase de Lee Shulman* que j’aime bien, « il faut mettre fin à la solitude pédagogique » à l’université : en cours, il se passe des joies, des choses difficiles ; les enseignants aimeraient en parler, mais bien souvent ils ne pensent pas à frapper à la porte de leur collègue.

Que sont les « concepts de seuils » en pédagogie, dont vous êtes spécialiste ?

C’est une idée selon laquelle il existe des façons disciplinaires de penser et de pratiquer. Lorsque les étudiants ont compris certaines notions dans leur discipline, ils sont transformés au niveau intellectuel mais aussi identitaire, ce qui peut être dérangeant, en termes cognitif et affectif. Une fois ce seuil franchi, ils ne peuvent plus revenir en arrière.
Ce concept, qui a pour point de départ l’apprentissage des étudiants et non celui de la transmission des connaissances, touche aussi à la notion du temps de l’apprentissage qui peut durer des jours, semaines voire des années. Il est connexe avec un autre champ de recherche, le « décodage des disciplines », une méthodologie pédagogique qui s’intéresse aux notions sur lesquelles les étudiants restent bloqués.

Dans quel cadre êtes-vous intervenue à Toulon ?

Emmanuelle Nigrelli, vice-présidente de la CFVU, m’a proposé de venir en tant que professeur invité. Ce programme habituellement centré sur des coopérations de recherche a innové en proposant une coopération pédagogique, dans le but d’offrir une formation répondant aux besoins de la communauté universitaire.
Nous avons ainsi proposé une conférence introductive, des consultations avec groupes, des ateliers intensifs en formation à la pédagogie universitaire, sur les méthodes d’évaluation, le choix des stratégies d’enseignement et sur la pédagogie pour les grands effectifs, ainsi qu’une formation spécifique à destination des doctorants.

Vous donnez des formations dans plusieurs pays (Canada, Japon France). Les problématiques sont-elles les mêmes d’une région du globe à l’autre ?

Il existe un désir commun des enseignants de pouvoir parler de ce qui se passe dans leur classe, de solidarité. Mais ce dont je me rends compte au travers de mes diverses expériences, c’est que le contexte de l’enseignement influence aussi l’apprentissage. Les exigences du programme, le contexte universitaire, la stratégie d’établissement, la perception de la discipline au niveau national voire international sont autant de facteurs qui me permettent d’apporter des pistes de réflexion lors de mes interventions.

Et qu’avez-vous constaté à l’UTLN ?

Un grand enthousiasme, un désir de partage entre collègues, enseignants-chercheurs et doctorants, et celui de soutenir l’apprentissage des étudiants. Et cet enthousiasme est contagieux : il crée une énergie pour réfléchir à de nouvelles possibilités en pédagogie !

Pour en savoir plus :

* Lee Shulman est un psychologue et chercheur américain, spécialiste des questions de pédagogie, professeur émérite à la Stanford Graduate School of Education, en Carlifornie, et ancien président du Carnegie Foundation for the Advancement of Teaching.