Projet GOLIAT : contribution à la lutte incendie d’un simulateur 3D de propagation du feu

Ingénieur de recherche au laboratoire IMATH de l’Université de Toulon, Sofiane Meradji codéveloppe un simulateur 3D de propagation des feux, FireStar3D, considéré en Australie comme l’outil européen de référence. Utilisé principalement dans la recherche, cet outil pourrait, à moyen terme, aider les opérationnels dans la lutte contre les incendies.
Rencontre :

Comment fonctionne votre simulateur ?

C’est un outil sur lequel je travaille depuis 2006, en collaboration avec des chercheurs internationaux, en l’occurrence Dominique Morvan, Gilbert Accary et Oleg Bessonov. Il s’agit d’un modèle physique complet avec approche multiphasique. Nous réalisons des simulations instationnaires en trois dimensions, pour représenter la dégradation d’un solide soumis à un flux de chaleur. Nous montrons comment avance un front de flammes, à quelle vitesse, dans quelle direction, sa forme, sa hauteur, sa largeur, son périmètre… On peut également mesurer les flux de chaleur par rayonnement ou par convection, évaluer l’intensité du feu, représenter l’écoulement, les champs de température et les espèces chimiques qui sont présentes. L’inconvénient réside dans le fait qu’il génère des calculs qui peuvent prendre plusieurs jours, voire quelques semaines dans certains cas.

Qui utilise cet outil ?

Il est utilisé par des chercheurs de l’université Victoria de Melbourne, de l’université américaine du Liban et de l’Institut Polytechnique de Worcester (WPI) de Boston ; ce qui a conduit à des publications scientifiques communes. Le simulateur est également très utilisé par l’Université de Corse, dans le cadre du projet « GOLIAT ». Ce groupe de chercheurs corses fait office de référence dans le bassin méditerranéen et on compte parmi eux un expert de l’UNDRR (le bureau des Nations Unies pour la réduction des risques naturels), Jean-Louis Rossi.
D’autres outils sont développés dans GOLIAT. Ils s’appuient sur un modèle physique simplifié de comportement du feu dénommé le « Balbi modèle » et sur la connaissance de feux réels ou expérimentaux renseignés dans une base de données mondiale, un travail de longue haleine mené par François-Joseph Chatelon. Par ailleurs, en l’état actuel, notre outil ne peut pas être utilisé par les opérationnels, dans la lutte en temps réel. Cependant, il permet de générer des expériences numériques qui vont ensuite permettre de tester et/ou améliorer des modèles à visée opérationnelle, comme le modèle dit de Balbi. Notre contribution est donc importante car mettre en œuvre des feux expérimentaux, à l’échelle du terrain, s’avère relativement compliqué et très coûteux.

Quelles évolutions envisagez-vous pour votre simulateur ?

Combustibles, pentes, vents, humidité de l’air… Nous le testons sur des configurations différentes ; il est en constante évolution. On s’intéresse également à l’aménagement du territoire et au risque incendie aux interfaces forêt/habitat.
Cela étant, notre simulateur s’exécutant sur des machines superscalaires n’est qu’une brique. Nous travaillons, en parallèle, sur l’implémentation d’une version qui s’exécuterait sur machine vectorielle et pour laquelle on envisagerait, à terme, d’adopter des approches innovantes liées au calcul quantique ; comme cela est déjà le cas sur les machines du CRIANN. Nous sommes également en train de réfléchir à une brique nouvelle, autour de l’IA, qui serait capable de fournir des prédictions en temps réel à partir de celles que nous aurions incorporées via le simulateur 3D. Si cela fonctionne, cela voudra dire que, demain, sur un smartphone, un pompier pourrait utiliser notre outil basé sur l’IA, en temps réel, et prévoir le comportement d’un feu. Cela demandera trois à quatre ans de travail pour la mise en œuvre de la solution.

Où en est le projet GOLIAT ?

C’est un projet sur le risque incendie et l’aménagement du territoire, porté par Lucile Rossi et Thierry Marcelli. La sensibilisation de la population est aussi un enjeu de taille pour la réduction du risque incendie. C’est ce que nous faisons dans le projet GOLIAT. Des actions ont été menées auprès des scolaires, des formations ont été mises en place, des tutos pour l’évacuation ont été réalisés.... Les aspects anthropologique et historique du problème sont traités avec une partie de la recherche menée par des collègues de SHS qui étudient les anciens usages et l’historique des feux passés. Pour anticiper l’avenir, il est préférable de bien connaître le… passé. Le projet GOLIAT s’est d’ailleurs achevé en décembre 2023.

Une seconde phase du projet GOLIAT va démarrer. En quoi consiste-t-elle ?

GOLIAT 2 devrait démarrer début 2025. Il est envisagé sur une durée de trois ans et sera enrichi de nouveaux partenaires parmi lesquels on peut citer les fédérations de chasseurs et l’Office de l’Environnement de la Corse. L’objectif est de fournir une aide à la décision publique en fournissant des méthodes et des outils capables d’amener un appui scientifique lors de l’aménagement du territoire. Nous étudierons le dimensionnement des ouvrages (OLD, ZAL, interfaces), les feux extrêmes et éruptifs, les interfaces forêt/habitats avec la prise en compte de la vulnérabilité de certains matériaux de constructions et bien d’autres sujets encore.

Enfin et pour conclure, une phase de maturation du simulateur FireStar3D est actuellement envisagée avec la SATT Sud-Est, et ce, afin d’étendre les fonctionnalités de l’outil dans le but de proposer, à terme, une offre de service destinée aux entreprises liées à la sécurité incendie, aux SDIS (pompiers) et dans le cadre des futures activités du bureau d’études corse FIAMMA.

En savoir plus :

https://goliat.universita.corsica

crédits photo : projet Goliat