Conférence : Algérie/France, mémoires réconciliées ? Du « Rapport Stora » à l’éclairage de la littérature

Dans le cadre des projets TPM CRISHIS1 "Penser/panser la crise" et CRISHIS2 "Crise et histologie des systèmes", le Pôle ESMED organise d’avril à juillet un cycle de conférences virtuelles relatives aux crises des espaces méditerranéens, dans une approche comparée.

Conférence : Algérie/France, mémoires réconciliées ? Du « Rapport Stora » à l’éclairage de la littérature
Vendredi 16 avril 2021 à 18h

Présentée par Christiane Chaulet-Achour, Université de Cergy-Pontoise

Christiane CHAULET ACHOUR, née à Alger en mars 1946, est professeure émérite de Littérature Comparée et francophone de l’Université d’Alger (1967-1994) et de l’Université de Cergy-Pontoise (1997-2015). Elle a publié de nombreuses études sur les littératures du Maghreb et sur celles de la Caraïbe et s’est toujours intéressée à la question de la transmission des savoirs par les littératures. La colonisation algérienne et la guerre de libération nationale ont retenu son attention depuis le début de ses recherches dont on peut lire certains travaux sur son site : http//www.christianeahour.net

Parmi ses ouvrages les plus récents :

  • La France et l’Algérie en 1962 – De l’Histoire aux représentations textuelles d’une fin de guerre, Christiane Chaulet Achour et Pierre-Louis Fort (dir.), Paris, Karthala, 2013, 332 p.
  • Dans Le sillage de Frantz Fanon, Alger, Casbah éditions, 2019, 142 p.
  • Echos littéraires d’une guerre - Œuvres algériennes et guerre de libération nationale, Boudouaou-Boumerdès-Alger, Dar Khettab, 2019, 151 p.
  • Viols et filiations - Incursions psychanalytiques et littéraires en Algérie, (avec Faïka Medjahed), Alger, Koukou éditions, 2020, 187 p.

Conférence : Algérie/France, mémoires réconciliées ? Du « Rapport Stora » à l’éclairage de la littérature

Dans une conférence récente, l’historien avance la question fondamentale pour lui : « comment sortir du colonialisme ? » Si l’on considère les événements historiques, la sortie du colonialisme s’est faite par l’indépendance de l’Algérie. Toutefois, on comprend bien que la question posée désigne le colonialisme comme trace active dans les sociétés algérienne et française, de 1962 à nos jours.
Pour ma part, la question que je poserais serait celle-ci : « peut-on sortir de… quand on n’est pas rentré dans… ? ». Non pas au sens d’un retour dans le colonialisme mais comme effort de mémoire et pour savoir de ce qui s’est réellement passé durant près d’un siècle et demi en Algérie sous contrôle français et à son aboutissement tragique, la guerre d’indépendance, guerre de résistance au colonialisme français.
Après un rappel de quelques points forts du débat qu’a déclenché ce rapport, en particulier chez les intellectuels algériens – étant entendu que ce rapport s’adressait à la présidence de la République française et non aux Algériens –, je voudrais esquisser une voie possible et souvent négligée d’un savoir à élaborer, celle de la littérature, dans les deux pays concernés. Je tiendrai compte, dans le choix d’un corpus restreint mais indicatif, non d’une binarité mais d’une multiplicité de positionnements.
Les historiens, de part et d’autre de la Méditerranée, ont largement entamé ce travail de connaissance ; aux littéraires, en première ligne de la transmission dans le système scolaire et universitaire, de faire passer leurs recherches du domaine confidentiel des centres de recherche universitaires à une diffusion dans les programmes. Alors, peut-être, dans quelques décennies, les générations, nées après le colonialisme comme système politique, pourront être libérées parce qu’informées du colonialisme comme trace de domination et de rejet de l’Autre. En mettant en écho ces œuvres, on peut entrer dans la parole de l’autre pour mieux réaliser, à l’échelle humaine, la complexité de la guerre après ces années de régime colonial, et les traces vivaces que la littérature fait resurgir. Comme le déclarait (fin janvier 2021) Sylvie Thénault : « l’histoire peut rassembler à condition d’être dite et connue dans sa totalité, dans toute sa complexité, et d’être partagée ». Et c’est à l’éclairage des travaux d’historiens que peut se lire en profondeur les œuvres littéraires.

Corpus littéraire :

  • 1942, Albert Camus, L’Etranger
  • 1956, Kateb Yacine, Nedjma
  • 1962, Mouloud Feraoun, Journal
  • 1985, Assia DJEBAR, L’Amour la fantasia
  • 2000, Nourredine Saadi, La Maison de lumière
  • 2011, Alexis Jenni, L’Art français de la guerre
  • 2015, Michel Serfati, Finir la guerre
  • 2016, Samir Toumi, L’Effacement
  • 2016, Joseph Andras, De nos frères blessés
  • 2017, Alice Zeniter, L’Art de perdre

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